Actualités 5 déc. 2022 8 min lecture

L'Aurige de Delphes dévoile ses secrets

Une nouvelle fois, nos techniques de contrôles non destructifs appliquées à l’étude de la statuaire antique sont mises à l'honneur. Par ses différentes études, le Groupe Institut de Soudure a acquis un savoir-faire unique. Ces travaux exceptionnels ouvrent la possibilité d'étudier d'autres œuvres d'art, en élaborant les méthodes appropriées à même de préserver le matériel original historique.

Après le Captif gaulois d’Arles, la Table Claudienne ou encore l’Esclave mourant et l’Esclave rebelle de Michel-Ange, nous sommes intervenus sur l’Aurige de Delphes, célèbre bronze grec du Ve siècle avant Jésus-Christ lors de la campagne sur place menée en 2019.

Depuis 2017, l’École française d’Athènes et l’Éphorie des Antiquités de Phocide (direction générale des antiquités du ministère grec de la Culture et des Sports) soutiennent ce programme ambitieux de réexamen de l’Aurige, avec un partenariat entre :

  • le musée du Louvre,
  • le Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF),
  • l’Institut de Soudure,
  • Archeovision, Archéosciences Bordeaux, université Montaigne,
  • ENS, Lyon,
  • Università di Padova, Dipartimento di Geoscienze, Centro CIRCe.

Les premières missions en 2017 avec analyse de fluorescence X et observations visuelles avaient mis en évidence les techniques de fonte et de soudage, les polychromies et les matériaux. La seconde phase de l’étude technologique, en 2019 et 2021, met en œuvre différentes technologies : analyses chimiques, endoscopie, gammagraphie, spectrométrie Raman et fluorescence X, microprélèvements, ultrasons… Les résultats de ce réexamen ont été présentés en avant-première lors du colloque archéologique et scientifique, organisé sous l’égide de l’École française d'Athènes (EFA), du 1er au 4 décembre 2022 à Athènes. Le colloque a démarré avec la projection du documentaire L'Aurige de Delphes - À la redécouverte d'un grand bronze exceptionnel (durée : 39 min 45), où interviennent deux de nos collaborateurs.

Gammagraphie numérique

Dans le cadre de son expertise dans le domaine de l’imagerie des ouvrages d’art, le C2RMF possède plusieurs tubes à rayons X mais ils sont impossibles à déplacer. Pour étudier l’Aurige, le choix s’est donc porté vers la radiographie numérique Gamma, bien connue en milieu industriel. Aussi le C2RMF, notre partenaire depuis plus de dix ans, a-t-il fait appel à l'Institut de Soudure.

Pour étudier l’Aurige par gammagraphie, nous avons tout d'abord validé la méthode au C2RMF, en 2018, sur un fragment de doigt d’un colosse.

Entre 2018 et 2019, les demandes d’accès et d’autorisation de tirs de gammagraphie ont été validées par les autorités compétences grecques, sur la base de notre dossier avec, notamment, les portants mécaniques pour supporter le Gamma-prox (collimateur breveté de l'Institut de Soudure) et les cassettes autour de la statue ainsi que les calculs de dose prévisionnelle.

En novembre 2019, pendant quatre nuits, les tirs ont été conduits avec une source Ir 192 louée sur place, en direction du flanc de montagne sur lequel est situé le Musée archéologique de Delphes. Les tirs (6 pour la face, 7 de profil, 20 pour les éléments séparés, plus des tirs supplémentaires pour le visage) avaient lieu dans la salle du musée, avec une durée d’exposition de 40 minutes et une source positionnée à 1,5 m de la statue.

La radiographie numérique a révélé différents aspects de cordons de soudure et les techniques de fixation des éléments rapportés (yeux, dents, lèvres, mèches de cheveux, nœud du bandeau). Ainsi que la présence d’armatures en fer dans le bras et les jambes des chevaux et un nombre significatif de plaquettes (s’agit-il de réparations après la coulée ?). Avec une découverte essentielle, la soudure au niveau de la main droite qui était restée invisible jusqu’ici !

Après analyse approfondie des clichés et des images d'endoscopie 3D, il est envisagé deux cartographies d’assemblage : la statue aurait été réalisée en joignant 13 à 15 pièces principales coulées du même bronze à 10 % d'étain.

Méthodes ultrasonores

Lors du colloque, nous avons ensuite présenté les résultats des mesures ultrasonores multiéléments Phased Array. L’objectif était de localiser les soudures et de mesurer l’épaisseur des parois en différents points. Pour cela, nous avons développé une méthodologie spécifique, pour pallier l’interdiction d’utiliser les couplants habituels (eau et gel chimique) sur l’Aurige de Delphes. Le choix s’est porté sur un élastomère présentant le meilleur compromis entre flexibilité et propriétés acoustiques par sa composition et son épaisseur.

Il n’a pas été possible de localiser les soudures de façon probante par les scans linéaires ou sectoriels. En revanche, les épaisseurs de parois sur la statue et les éléments séparés ont été mesurées, de 8 mm à 13 mm selon les zones. L'Aurige de Delphes n'est pas un bronze massif : le métal a été coulé sur un noyau de terre modelé, dont l'origine serait l'Italie du Sud.